« La mémoire est une somme d’images vivantes et de fenêtres murées. »

Voici ma première critique spéciale Rentrée Littéraire, avec Un paquebot dans les arbres de Valentine Goby aux éditions Actes Sud, un excellent roman, très touchant !

Début des années 50 , Paulot et Odile tiennent un bar en région parisienne. Paulot ne vit que pour les autres et l’amusement, quitte à quelque peu délaisser sa famille. Il anime les soirées, est aimé de tous, et fait très souvent crédit aux clients sans jamais être remboursé. Ils ont 3 enfants; Annie, la fille aînée (et aimée) qui danse avec son père, mais se révélera très vite auto-centrée, et n’aidera guère sa famille lorsque les ennuis commenceront, Mathilde, le personnage principal, fille casse-cou, le « ptit gars »,  qui n’a de cesse de vouloir plaire à son père qui souhaitait un fils, et le jeune Jacques qui, plus jeune, subira moins les événements.

Ce paquebot dont il est question, est en fait un sanatorium, et c’est lui qui fera voler en éclats le destin de cette famille soudée. Un jour, Paulot s’effondre, il a des bacilles plein le poumon, et c’est le début des drames. D’abord il faut combattre la maladie, qui touchera bientôt Odile à son tour. Ensuite, il faut combattre le regard des autres et la solitude, car à l’époque les « tubards » sont des parias. Enfin, la misère approche, car les débuts de la Sécurité sociale pendant les 30 (pas si) Glorieuses ne profitent pas à tout le monde. De part leur statut de patrons, ils n’ont pas cotisés et ne reçoivent donc aucune aide.

La jeune Mathilde se retrouvera au cœur du combat pour sa famille. D’abord envoyée en famille d’accueil et séparée de son jeune frère, elle se fera émanciper, étudiera la comptabilité, trouvera un stage, cherchera à récupérer et faire vivre son frère, rendra visite à ses parents, cherchera des solutions, encore et encore… Elle deviendra une vraie Mère Courage, qui ne reçoit pas de reconnaissance, femme de l’ombre qui s’épuise et met en parenthèses sa vie d’adolescente et ses premiers amours. Car ceux qui ont été aidés par Paulot, lui tourneront le dos. On souffre avec elle, on est révoltés par l’ignorance et l’égoïsme de son entourage et par cette famille broyée par le système, la Sécu et les assistantes sociales.

Je pourrais écrire encore bien des lignes sur ce roman si riche. J’ai eu un peu de mal à rentrer dedans, puis je l’ai dévoré, avide de savoir ce qu’il adviendrait de Mathilde. Je trouve que le résumé ne rend pas forcément justice à cette histoire intime, au contexte social fort, et je vous conseille vivement de vous y plonger. Mathilde est vraiment un personnage féminin fort, qui se construit d’abord uniquement dans les yeux de son père, essayant de ressembler au plus près mentalement comme physiquement à un garçon. Puis elle s’émancipe, et ne veut plus accepter les rôles que la société veut lui imposer. Cette histoire est inspirée de faits réels, basée sur le témoignage d’une dame qui s’est adressé à Valentine Goby, et elle nous ouvre réellement les portes d’une vie et d’une époque…

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A lire en écoutant Edith Piaf – Padam Padam

 Un autre livre de Valentine Goby à découvrir Kinderzimmer

5 commentaires

  1. Bonjour,
    Valentine Goby pose, pour notre plaisir, un regard fin sur cette période qu’on croit connaître et qui peut sembler de prime abord bien peu littéraire. Ses personnages donnent beaucoup d’envergure à cette histoire de tuberculose sur fond d’inégalités sociales : ils sont sincères et vivants, on sent qu’elle les aime…

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